Matthieu Ricard

D'abord, renoncer à ce qui est vraiment bon dans la vie, ça serait absurde.

On n'est pas là pour se martyriser.

L'idée de la mortification, c'est totalement étranger au bouddhisme.

Par contre, est-ce qu'un oiseau qui s'étape de sa cage, même si sa cage soit en ferraille ou en or, est-ce que c'est du renoncement ou est-ce que c'est la liberté ?

Donc encore une fois, pour nous, on parle de renoncement, mais en fait le mot tibétain qu'on traduit peut-être à tort par renoncement, c'est la certitude, la conviction qu'on veut se sortir du cercle vicieux du samsara qui est sous l'égide de l'ignorance et de la souffrance.

Donc c'est l'oiseau qui s'échappe de sa cage.

C'est renoncer à notre addiction aux causes de la souffrance.

Renoncer à mettre sa main dans le feu tout en espérant ne pas être brûlé, ce qui est souvent malheureusement le cas.

Parler de la liberté, c'est important à ce moment-là.

Parce que si c'est ça la liberté d'avoir accès à faire cinq choses en même temps, TikTok, machin, truc chouette, vous n'avez qu'à lire le livre de Michel Demurger, La fabrique du crétin digital.

Pour les enfants, c'est une catastrophe.

Bien sûr.

Alors le Dalai Lama dit, alors la liberté de faire tout ce qu'on veut.

Moi, j'ai entendu sur la BBC anglaise, une jeune femme qui disait, pour moi, la liberté, c'est de faire tout ce qui me passe par la tête sans que personne n'y trouve à redire.

Ça, c'est typiquement être l'esclave de nos pensées errantes.

On est comme à la surface d'un col, les herbes folles qui se penchent à droite, à gauche, en faisant la direction du vent, ou comme un bateau ivre qui part à la dérive et finalement fait naufrage.

Donc la liberté pour un marin...

Ce n'est pas de laisser son bateau dériver au gré des vents et des courants, parce que ça va mal finir.

C'est de prendre la barre, de régler les voiles et d'aller là où il veut.

C'est ça la liberté.